Le vestibule du palais du vice-roi. – A gauche, un large escalier en pierre conduisant à une terrasse. – Au fond, dans le lointain, le sommet du Vésuve.
Scène première.
Pietro, Pêcheurs, Jeunes Filles du Peuple.
Ils sortent de l'appartement à gauche, qui est celui du festin. C'est la fin d'une orgie: ils tiennent à la main des coupes, des vases remplis de vin; d'autres tiennent des guitares.
Bacarolle.
PIETRO, un guitare à la main.
Premier couplet.
Voyez du haut de ces rivages
Ce frêle esquif voguer sur la mer en fureur!
Les vents, les flots et les orages
Menacent d'engloutir le malheureux pêcheur.
Mais la Madone sainte a guidé l'équipage:
Par elle protégés, nous revoyons le bord.
Plus de crainte, plus d'orage!
Notre barque a touché le port.
LE CHOEUR.
Buvons! la barque est dans le port.
UN PÊCHEUR, bas à Pietro.
De ce nouveau tyran as-tu brisé les chaînes?
PIETRO, de même.
Oui, j'ai de notre chef puni la trahison.
Montrant à gauche la salle du festin.
Et par mes soins, un rapide poison
Déjà circule dans ses veines.
Deuxième couplet.
Parfois, le soir sur cette plage,
Des pirates cruels, la terreur de ces mers,
Ivres de sang et de pillage,
Attendent le pêcheur pour lui donner des fers.
Mais la Madone sainte a guidé l'équipage,
Par elle protégés, nous revoyons le bord.
Plus de crainte, plus d'orage!
Notre barque a touché le port.
LE CHOEUR.
Buvons! la barque est dans le port.
PIETRO.
On vient! silence, amis!
Scène II.
Les Mêmes; Borella, sortant de l'appartement à gauche.
Finale.
PIETRO.
Quelle frayeur t'agite,
Borella?
BORELLA.
Compagnons, armez-vous, ou tremblez!
De nombreux bataillons qu'Alphonse a rassemblés
Marchent vers ce palais, ils s'avancent ...
PIETRO.
O rage!
BORELLA.
Le ciel même paraît combattre contre nous.
De quelque grand malheur trop sinistre présage,
Les sourds mugissements du Vésuve en courroux
De ce peuple crédule ont glacé le courage.
LE CHOEUR DE PÉCHEURS.
D'un juste châtiment qui peut nous préserver?
LE CHOEUR DE PÉCHEURS.
Masaniello peut seul arrêter leur furie.
LE CHOEUR DES FEMMES.
Masaniello peut encor nous sauver.
BORELLA, montrant la porte à gauche.
N'y comptez plus!
LE CHOEUR.
O ciel! il a perdu la vie!
BORELLA.
Non, il respire encor; mais, sourd à nos accents,
Je ne sais quel délire a maîtrisé ses sens.
PIETRO.
C'est Dieu qui l'a frappé.
BORELLA.
Tantôt, sombre et farouche,
Il se croit entouré de mourants et de morts;
Tantôt, le sourire à la bouche,
Il chante et croit guider sa barque sur nos bords.
LE CHŒUR.
Misérable Pietro, tu mourras s'il expire!
PIÉTRO.
Non, sa raison sur lui reprendra son empire.
Il vient! il vient!
Scène III.
Les Mêmes; Masaniello.
La désordre de ses vêtements annonce le trouble de ses esprits.
MASANIELLO.
Courons, punissons nos bourreaux!
Voilà le sang qu'il faut répandre;
Réduisons leur palais en cendre;
Courons! des armes, des flambeaux!
PIETRO.
Reviens à toi!
MASANIELLO, lui prenant la main.
Parle bas, pêcheur, parle bas:
Jette tes filets en silence.
LE CHOEUR.
Viens, marchons, viens, guide nos pas.
MASANIELLO.
La proie au devant d'eux s'élance.
Parle bas, pêcheur, parle bas;
Le roi des mers ne t'échappera pas.
PIETRO.
Sais-tu quel péril nous menace?
Voici nos ennemis, mais guide notre audace,
Sois notre chef! Parais, ils fuiront devant toi.
Partons!
MASANIELLO.
Oui, oui, partons!
PIETRO ET LE CHOEUR.
C'est l'honneur qui t'appelle.
MASANIELLO, d'un air riant.
Partons, la matinée est belle;
Venez, amis, venez tous avec moi! ...
En ce moment le ciel s'obscurcit, et le Vésuve, qu'on aperçoit de loin, commence à jeter quelques flammes.
Chantons gaîment la barcarole,
Charmons ainsi nos courts loisirs.
LE CHOEUR.
Mortels délais! vains souvenirs!
MASANIELLO.
L'amour s'enfuit, le temps s'envole.
LE CHOEUR.
Si vous tardez on nous immole!
MASANIELLO.
Le temps emporte nos plaisirs
Comme les flots notre gondole.
Scène IV.
Les Mêmes; Fenella.
FENELLA. Elle court à Masaniello. Elle lui explique que les soldats du vice-roi s'avancent en bon ordre, enseignes déployées, et que les tambours battent aux champs. Devant eux les lazzaroni se sont enfuis effrayés; les uns ont jeté leurs armes, les autres, à genoux, ont demandé la vie. Elle entraîne Masaniello vers la fenêtre du palais ... Les voilà, ils avancent; ils ont juré qu'aucun de vous n'échapperait.
PIETRO, à Masaniello.
Tu le vois, leur fureur nous dévoue au trépas?
MASANIELLO, revenant un peu à lui, et serrant Fenella contre son cœur.
Ma Fenella! ma sœur! qui cause tes alarmes?
PIETRO.
Nos tyrans! ... que ce mot te rappelle aux combats!
MASANIELLO.
Qu'entends-je?
PIETRO.
Ce sont eux.
MASANIELLO.
Eh! qui donc?
PIETRO.
Leurs soldats!
LE...