Le sanctuaire d'Indra. – Même décor qu'au deuxième tableau du premier acte, vu sous un autre aspect. – La statue colossale du dieu rayonne dans l'ombre. –
Scène première
SITA, elle entre précipitamment, s'arrête un instant haletante et écoute. – Après un temps.
J'ai fui la chambre nuptiale,
Sans doute Scindia m'appelle en ce moment,
En menaces de mort sa colère s'exhale;
Ah! je crains son amour plus que son châtiment.
De sa pitié que puis-je encore attendre?
Un seul homme devait contre lui me défendre:
Il a bravé Timour! rien ne l'arrêtera.
Il me fera poursuivre ici, mais que m'importe!
Vainement ses soldats franchiront cette porte,
La mort est un refuge où nul ne m'atteindra!
Oui, l'heure est venue où, lasse de vivre,
Apaisant mon cœur d'amour consumé,
Je pourrai te suivre,
O mon bien-aimé!
De ma douleur que la mort me délivre!
Adieu donc, ô cruel passé!
O mort, ta volupté m'enivre,
Tu me rendras l'amour, l'amour trop tôt brisé.
Vers la statue d'Indra.
Témoin de mon chaste délire,
Confident de mes premiers vœux,
Image du Dieu bon dont les traits radieux
Dans l'ombre semblent me sourire,
J'ai voulu revenir expirer sous tes yeux.
Avec une exaltation croissante.
Reçois mon âme, Dieu!
Que la mort me délivre.
Apaisant mon cœur d'amour consumé
Oui, je vais te suivre,
O mon bien-aimé!
Elle va se frapper. – A ce moment viennent des profondeurs du temple des voix disant la prière du soir
déjà entendue au premier acte – Sitâ s'arrête.
La prière!.. Ah! parfums de la saison lointaine!
Ah! souvenir charmant de mes heures d'espoir!
Oui, vous me revenez quand va finir ma peine.
Rêveuse.
Aux premières ombres du soir,
Quand je chantais ainsi je le voyais paraître,
Pendant que la prière continue au loin.
Il parlait ... un frisson agitait tout mon être!..
. . . . . . .
Jamais sa main n'osa toucher ma main!..
Souriant, il passait en murmurant: demain!
La prière a cessé. – Alim, sous le vêtement blanc des prêtres d'Indra, vient lentement en scène. – Un rayon de lune lui montre bientôt une forme immobile au pied de l'autel. – Il vient vers elle. – Il reconnaît Sitâ. – Jeu de scène. – Sitâ, haletante, comme foudroyée; puis courant vers Alim avec un cri déchirant.
Scène II
Alim, Sita.
ALIM.
Sitâ!.. c'est elle!..
SITA.
Alim!.. vivant!.. je suis sauvée!..
Elle se jette dans ses bras.
ALIM.
Je te possède enfin!.. c'est l'ivresse rêvée.
SITA, défaillante.
Alim!..
ALIM, doucement.
Reconnais-moi,
Chère âme!.. reviens à toi.
SITA, relevant doucement la tête.
Ce n'est point un mensonge!
Vivant! il est vivant!
Je croyais faire un songe,
Un songe décevant,
Non! son visage étincelle!
Et sur mon front ses lèvres ont frémi!
Une espérance nouvelle
Luit dans son regard ami!
ALIM.
Oui, je t'aime! je t'aime!
SITA.
Ah! quelle main puissante.
Toi, sur qui je pleurais, te sauva de la mort!
ALIM, radieux.
Ne songeons qu'à l'heure présente
Je vis! tu m'es rendue et je bénis le sort.
Viens!..
Au moment où Alim entraîne Sitâ, des bruits de pas et de voix se font entendre de tous côtés, et des lueurs de torches apparaissent à toutes les issues
ALIM, s'arrêtant.
Ces lueurs!.. ces bruits menaçants!
SITA.
Malheureuse!
J'oubliais ... Scindia! nous sommes perdus!
ALIM.
Ah!..
Que dis-tu? – Non, voici la route ténébreuse
Qui m'amenait vers toi. – Viens, fuyons!
Ils s'élancent vers le passage. – Sur le seuil apparaît tout à coup Scindia le visage menaçant.
ALIM ET SITA, reculant.
Scindia!
Scène III
Les Mêmes, Scindia.
SCINDIA.
Lui!.. cet homme!.. avec elle!
SITA, résolument.
Ah! tais-toi, misérable!
Ne lève pas sur nous tes mains pleines de sang,
Cet homme, c'est ton roi. – Demeure obéissant,
Implore le pardon d'un vengeur redoutable!
ALIM.
Obéis, Scindia!
SCINDIA, avec une ironie terrible.
T'obéir?.. Insensés!
Quand la force est pour moi, c'est vous qui menacez!
S'avançant vers Sitâ.
A mon pouvoir je vais pour toujours te soumettre
ALIM.
Lâche! oseras-tu donc!..
Courant aux issues.
Ah!.. partout des soldats!
Partout la mort pour elle!..
SCINDIA, près de saisir Sita.
Oui, je suis le seul maître!..
A moi, soldats!
SITA, avec exaltation.
Non, traître!
Je ne t'appartiendrai pas!..
Elle se frappe et jette son arme.
ALIM.
Sitâ! Dieux!., qu'as-tu...