Théâtre représente la grande salle de la maison de Williams.
Scène première.
On entend la ritournelle du morceau.
Blondel, Deux hommes de La Comtesse.
BLONDEL.
Il faut, il faut,
Il faut que je lui parle.
Mon cher Urbin, mon ami Charles,
Il faut que je lui dise un mot
Tout au plutôt, tout au plutôt.
LES DEUX HOMMES.
Il faut, il faut ...
Vous ne pouvez lui dire un mot.
On chasserait Urbin et Charles
Si nous vous laissions dire un mot.
Sortez, sortez tout au plutôt.
BLONDEL.
Mon cher Urbin, mon ami Charles,
A l'instant, ciel! quoi, dans l'instant!
Voici de l'or.
LES DEUX HOMMES.
Nous allons partir à l'instant.
Oui, dans l'instant.
De l'or.
À part.
Est-ce de l'or? oui, c'est de l'or.
De l'or! attendez; mais comment?
Peut-il parler en ce moment?
BLONDEL.
De l'or, afin que je lui parle.
LES DEUX HOMMES.
Le pourrait-il en ce moment?
BLONDEL.
Ah! que je lui parle à l'instant.
Dans ce moment.
Eh bien! soit, ah! que je lui parle,
Mon cher Urbin, mon ami Charles.
Pourvu que je lui dise un mot,
Je suis content; mais au plutôt.
LES DEUX HOMMES.
A la dame de compagnie,
Oui, oui, nous pourrions dire son envie
A la dame de compagnie,
un peut lui dire qu'il la prie,
Dans ce moment,
Tout au plutôt.
Scène II.
La dame de compagnie, la Comtesse, sir Williams, les chevaliers, le sénéchal.
La dame de compagnie arrive avant la Comtesse et ses chevaliers; les deux hommes qui étaient sur la scène vont parler à la dame de compagnie qui sort avec eux; il reste avec la Comtesse et une autre dame de compagnie; la comtesse a un papier à la main.
LA COMTESSE. Sir Williams, je ne peux trop vous remercier du gracieux accueil que j'ai reçu chez vous.
WILLIAMS. Madame, que ne puis-je vous retenir plus long-temps!
LA COMTESSE. Cela ne peut être.
LE SÉNÉCHAL. Madame, tout sera bientôt prêt pour votre départ.
LA COMTESSE. Ah! chevalier, ce soir assignera le terme à notre voyage; qu'il m'en coûte de vous dire ce qui va le terminer.
LE SÉNÉCHAL. Quoi donc, madame?
LA COMTESSE. Je vais consacrer mes jours à une retraite éternelle.
LE SÉNÉCHAL. Vous, Madame?
LA COMTESSE. Un long chagrin qui me dévore me rend incapable de m'occuper du bonheur de mes sujets; je vais, chevalier, faire ajouter quelques mots à cet écrit, vous le remettrez aux états assemblés; ce sont mes volontés.
Scène III.
Les Précédens, Béatrix, Dame suivante.
BÉATRIX. Madame.
LA COMTESSE. Que voulez-vous?
BÉATRIX. Ce bon homme à qui vous avez permis de passer la nuit dans ce logis, et qui n'est plus aveugle .....
LA COMTESSE. Hé bien?
BÉATRIX. Il demande l'honneur de vous être présenté.
LA COMTESSE. Que me veut-il? Ah! ciel.
BÉATRIX. Je lui ai dit que madame était bien triste; il m'a répondu: si je lui parle je la rendrai bien gaie. Blondel chante: Un regard de ma belle. Entendez-vous sa voix, madame, il l'a très-belle.
LA COMTESSE. Qu'il paraisse, peut-être a-t-il appris cette complainte de la bouche même de Richard.
Scène IV.
Les Précédens, Blondel.
LA COMTESSE. Hé bien! bon homme, on dit que vous demandez à m'être présenté.
BLONDEL. Oui, madame; mais qu'il est difficile d'approcher des grands, même pour leur rendre service.
LA COMTESSE. Qui était celui qui vous a appris ce que vous chantiez si bien tout-à-l'heure, et en quel lieu de la terre avez-vous appris cette complainte?
BLONDEL. Je ne peux le dire qu'à vous. Béatrix se retire.
LA COMTESSE. Hier, vous étiez aveugle?
BLONDEL. Oui, madame, mais le ciel m'a rendu la vue; et quelles grâces n'ai-je point à lui rendre, puisqu'il me fait jouir de la présence de madame Marguerite, comtesse de Flandre et d'Artois.
LA COMTESSE. O ciel! vous me connaissez.
BLONDEL. Oui, madame, et reconnaissez Blondel.
LA COMTESSE. Quoi! c'est vous Blondel! vous étiez avec le roi, où l'avez-vous laissé?
BLONDEL. Le roi, le roi, que je cherchais depuis un an, le roi, madame, est à cent pas d'ici.
LA COMTESSE. Le roi!
BLONDEL. Il est prisonnier dans ce château que vous voyez de vos fenêtres; car, sans le voir, je lui ai parlé ce matin.
LA COMTESSE. Ah! dieux, ah! Blondel! Chevaliers!
BLONDEL. Madame, qu'allez-vous dire?
LA COMTESSE. Qu'ai-jé à craindre? ce sont tous mes chevaliers, tous attachés à moi, à ma personne, et sir Williams est anglais.
Les chevaliers, Williams et Béatrix s'approchent
BLONDEL.
Oui, chevaliers, oui, ce rempart
Tient prisonnier le roi Richard.
LES CHEVALIERS.
Que dites-vous? le roi Richard,
Richard! qui? le roi d'Angleterre.
BLONDEL.
Oui, chevaliers, oui, ce rempart
Tient prisonnier le roi Richard:
C'est là qu'est le roi d'Angleterre.
LES CHEVALIERS.
Qui vous l'a dit, par quel hasard
Avez-vous connu cette affaire?
Comment savez-vous ce mystère?
LA COMTESSE.
Qui vous l'a dit; par quel hasard,
Ah! grand dieu, mon cœur se serre?
BLONDEL.
Par moi, qui, sous cet habit vil,
M'en suis approché sans péril:
Sa voix a pénétré mon âme,
Je la connais, oui, oui, madame,
Oui, chevaliers, oui, ce rempart
Tient prisonnier le roi Richard;
LA COMTESSE.
Ah! s'il est vrai, quel jour prospère!
Ah! grand Dieu! ... ah! mon cœur se serre
De joie et de saisissement.
LES CHEVALIERS, WILLIAMS, BÉATRIX, LA COMTESSE.
Ah! grand Dieu, quel étonnement!
Quel bonheur! quel événement!
Travaillons à sa délivrance;
Marchons, marchons.
BLONDEL.
Point d'imprudence;
Travaillons à sa délivrance.
Non, il faut agir prudemment.
LES CHEVALIERS.
Travaillons à...