Scène première.
Zémire, Fatmé, Lisbé, travaillant à la lumière d'une lampe.
Trio.
ENSEMBLE.
Veillons, mes sœurs, veillons encore.
La nuit
S'enfuit
Devant l'aurore.
ZÉMIRE.
Mes sœurs, voilà bientôt le jour.
Jour prospère,
Rends un père,
Rends un père à notre amour.
FATMÉ.
Il m'a promis des dentelles.
LISBÉ.
A moi des rubans nouveaux.
FATMÉ.
Les dentelles les plus belles.
LISBÉ.
Et les rubans les plus beaux.
ZÉMIRE.
Il m'a promis une rose.
C'est la fleur que je chéris.
FATMÉ ET LISBÉ.
Une rose? c'est peu de chose.
ZÉMIRE.
De sa main elle est sans prix.
ENSEMBLE.
Veillons, mes sœurs, etc.
Scène II.
Sander, Ali, Zémire, Fatmé et Lisbé.
LES TROIS SŒURS.
Ah! mon père!
SANDER.
Bonjour, mes enfans.
ZÉMIRE.
Quelle joie
Nous cause votre heureux retour!
FATMÉ.
Le ciel vous rend à notre amour.
SANDER.
Il permet que je vous revoie.
ALI, à part.
Me voilà. J'en suis étourdi.
Les vents sont un fier attelage,
Et je le donne au plus hardi.
ZÉMIRE, à Sander.
Avez-vous fait un bon voyage?
FATMÉ.
Revenez-vous bien riche?
SANDER.
Hélas! tout a péri.
LISBÉ ET FATMÉ.
Tout a péri!
SANDER.
Dans la misère
Nous voilà retombés.
ZÉMIRE.
Mon père,
Vous n'en serez que plus chéri.
SANDER.
À Fatmé et à Lisbé.
À Zémire.
Mes enfans, vous pleurez! et toi, tu me consoles!
ZÉMIRE.
Vous même, vous comptiez si peu
Sur des espérances frivoles!
Nous en avons encore assez, de votre aveu.
Pour être heureux il faut si peu de chose!
L'oiseau des bois comme nous est sans bien,
Le jour il chante, et la nuit il repose.
Il n'a qu'un nid, que lui manque-t-il? Rien.
J'ai vu souvent, dans la campagne,
Le pauvre et joyeux moissonneur
Folâtrer avec sa compagne,
Et chanter gaîment son bonheur.
Allons, mon père, allons, courage.
Leur exemple est pour nous une belle leçon!
Ali peut bien lui seul vaquer au labourage;
Et vous, mes sœurs, et moi, nous ferons la moisson.
N'est-il pas vrai, mes sœurs, qu'un père qui nous aime,
Nous tient lieu de richesse, et suffit à nos vœux?
LISBÉ.
Oui, ma sœur.
FATMÉ.
Hélas! oui.
ZÉMIRE.
Nous pensons tout de même;
Ne soyez donc plus malheureux.
SANDER.
La pauvre enfant! qu'elle est touchante!
Sa raison, sa bonté, sa tendresse m'enchante.
Je me suis souvenu de toi.
À Fatmé et à Lisbé.
Pour vous deux, je n'ai pu .... vous en savez la cause.
FATMÉ ET LISBÉ.
Vous êtes trop bon.
SANDER, aux mêmes.
Plaignez-moi.
Toi, Zémire, tu n'as demandé qu'une rose;
La voilà.
ZÉMIRE.
Vous me ravissez.
SANDER.
Bas.
Oui, qu'elle te soit chère. Elle me coûte assez.
ZÉMIRE.
Air.
Rose chérie,
Aimable fleur,
Viens sur mon cœur.
Qu'elle est fleurie!
Ah! quelle odeur!
Voyez ma sœur,
Qu'elle est fleurie!
Que ses parfums ont de douceur!
Rose chérie,
Aimable fleur,
Viens sur mon cœur
Puiser la vie.
Viens du moins mourir sur mon cœur.
SANDER.
Vous avez, mes enfans, veillé toute la nuit;
J'ai besoin de repos moi-même.
À part.
Venez, embrassez-moi. Ciel! où m'as-tu réduit!
Fatmé et Lisbé se retirent; Zémire reste, observant son père, qui se jette sur un siége, accablé de douleur.
Scène III.
Sander, Ali, Zémire,
ZÉMIRE, à part.
Comme il est affligé!
SANDER, l'apercevant.
Va-t'en.
ZÉMIRE.
Non, je vous aime
Plus que ma vie; et je ne puis ....
SANDER.
Va-t'en. Dans l'état où je suis ....
Laisse-moi.
ZÉMIRE.
D'où vient cette douleur extrême?
SANDER.
A part.
Haut.
Que lui dirai-je? Va, ce n'est rien.
ZÉMIRE.
Ce n'est rien!
Non, votre cœur ne peut se dérober au mien.
Avant que d'avoir l'espérance
Que ce vaisseau vous fût rendu,
Vous étiez consolé de le croire perdu.
Aujourd'hui, quelle différence!
Triste, abattu, découragé,
Mon père! en quel état vous êtes!
Dites-moi vos peines secrètes;
Et vous en serez soulagé.
Est-ce à votre pauvre petite,
Qui vous aime si tendrement,
Que ce cœur devrait un moment
Cacher le trouble qui l'agite?
SANDER.
Laisse-moi .... Je l'afflige; il faut la consoler.
Viens, embrasse ton père avant de t'en aller.
ZÉMIRE.
Mon père!
SANDER.
Allons, va-t'en. Va...