Une galerie splendidement illuminée, chez les Capulets.
Scène première
Seigneurs et Dames, en dominos et masqués.
CHŒUR.
L'heure s'envole,
Joyeuse et folle,
Au passage il faut la saisir!
Cueillons les roses
Pour nous écloses
Dans la joie et dans le plaisir!
LES HOMMES.
Cœur fantasque
Des amours,
Sous le masque
De velours,
Ton empire
Nous attire
D'un sourire,
D'un regard!
Et, complice,
Le cœur glisse
Au caprice
Du hasard!
LES FEMMES.
Nuit d'ivresse!
Folle nuit!
L'on nous presse,
L'on nous suit!
Le moins tendre
Va se rendre,
Et se prendre
Dans nos rêts.
De la belle
Qui l'appelle
Tout révèle
Les attraits.
TOUS.
L'heure s'envole,
Joyeuse et folle;
Au passage il faut la saisir!
Cueillons les roses
Pour nous écloses
Dans la joie et dans le plaisir!
Scene II
Les Mêmes, Tybalt, Paris. Tybalt et Pâris entrent en scène, leur masque à la main.
TYBALT.
Eh bien! cher Pâris, que vous semble
De la fête des Capulets?
PARIS.
Richesse et beauté tout ensemble
Sont les hôtes de ce palais.
TYBALT.
Vous n'en voyez pas la merveille,
Le trésor unique et sans prix
Qu'on destine à l'heureux Paris.
PARIS.
Si mon cœur encore sommeille,
Le moment est proche où l'amour
Viendra l'éveiller à son tour.
TYBALT souriant.
Il s'éveillera, je l'espère.
Regardez! ... la voici conduite par son père.
Scene III
Les Mêmes, Capulet, Juliette. Capulet entre en scène conduisant Juliette par la main. A son aspect tout le monde se démasque.
CAPULET.
Soyez les bienvenus, amis, dans la maison!
A cette fête de famille
La joie est de saison!
Pareil jour vit naître ma fille;
Mon cœur bat de plaisir encore en y songeant!
Mais excusez ma tendresse indiscrète!
Présentant Juliette.
Voici ma Juliette! ...
Accueillez-la d'un regard indulgent,
LES HOMMES à demi-voix.
Ah! qu'elle est belle!
On dirait une fleur nouvelle
Qui s'épanouit au matin!
LES FEMMES de même.
Elle semble porter en elle
Toutes les faveurs du destin! ...
TOUS à demi-voix.
Ah! qu'elle est belle!
On entend le prélude d'un air de danse.
JULIETTE à Capulet.
Ecoutez! ... c'est le bruit des instruments joyeux
Qui nous appelle et nous convie ...
Tout un monde enchanté semble naître à mes yeux,
Tout me fête et m'enivre, et mon âme ravie
S'élance dans la vie,
Comme un oiseau s'envole aux cieux!
CAPULET à Pâris.
Eh bien! Pâris, faut-il vous dire
D'inviter ma fille? ... Mais quoi!
Vous ne m'entendez pas, je crois;
D'où vient ce front rêveur?
PARIS.
J'admire!
Il s'approche de Juliette qui cause avec Tybalt.
CAPULET se tournant vers ses invités.
Allons, jeunes gens!
Allons, belles dames!
Aux plus diligents
Ces yeux pleins de flammes!
Nargue des censeurs
Qui grondent sans cesse!
Fêtez la jeunesse! ...
Et place aux danseurs! ...
Qui reste à sa place
Et ne danse pas
De quelque disgrâce
Fait l'aveu tout bas.
O regret extrême!
Quand j'étais moins vieux,
Je guidais moi-même
Vos ébats joyeux.
Les douces paroles
Ne me coûtaient rien.
Que d'aveux frivoles
Dont je me souvien!
O folles années
Qu'emporte le temps!
O fleurs du printemps
A jamais fanées! ...
Allons! jeunes gens!
Allons! belles dames!
Aux plus diligents
Ces yeux pleins de flammes!
Nargue des censeurs
Qui grondent sans cesse!
Fêtez la jeunesse!
Et place aux danseurs!
LE CHŒUR.
Nargue des censeurs
Qui grondent sans cesse!
Fêtons la jeunesse! ...
Et place aux danseurs!
Tout le monde s'éloigne et circule dans les galeries voisines. Juliette sort au bras de Pâris. Capulet et Tybalt les suivent en causant. Roméo et Mercutio paraissent avec leurs amis.
Scène IV
Roméo, Mercutio, Benvolio, et quelques-uns de leurs amis.
MERCUTIO.
La place est libre, mes amis!
Pour un instant qu'il soit permis
D'ôter son masque!
ROMÉO.
Non! ... non! vous l'avez promis,
Soyez prudents! nul ne doit nous connaître.
Quittons cette maison sans affronter son maître.
MERCUTIO.
Bah! si les Capulets sont gens à se fâcher,
C'est lâcheté de nous cacher,
Frappant sur son épée.
Car nous avons tous là de quoi leur tenir tête!
ROMÉO.
Mieux eût valu ne pas nous mêler à la fête!
MERCUTIO.
Pourquoi?
ROMÉO.
J'ai fait un rêve!
...