Le théâtre représente un site pittoresque sur le bord de la mer. Au lever du rideau, des femmes de pêcheurs viennent réveiller leurs maris, étendus sur le sable.
Scène première.
Piféar, pêcheurs et femmes de pêcheurs.
Introduction.
CHOEUR.
Gais pêcheurs, quittons ce rivage,
Le soleil luit, les vents sont bons;
Et les flots, tout bas, à la plage
Semblent redire nos chansons.
PIFÉAR, entrant.
Zéphoris! Zéphoris! c'est ton ami fidèle,
C'est ton Piféar qui t'appelle.
Aux Pêcheurs.
Ne le voyez-vous pas?
LES HOMMES.
Non, non.
PIFÉAR, aux femmes.
Ni vous non plus?
LES FEMMES.
Non, non.
PIFÉAR.
O Brahma! quel guignon!
LE CHOEUR.
Viens, viens sans lui.
PIFÉAR.
Sans lui, c'est impossible.
LE CHOEUR.
Mais pourquoi? mais pourquoi?
PIFÉAR.
Il ne peut pas pêcher sans moi.
TOUS.
Ah! l'histoire est risible!
Mais pourquoi? mais pourquoi?
PIFÉAR.
Écoutez-moi.
Premier couplet.
Zéphoris est bon camarade,
Mais c'est un pêcheur fort mauvais;
Sans moi, les poissons de la rade
Ne craindraient guères ses filets.
Comme il ne cherche, sur ces bords,
Que perles fines et trésors,
Et que le reste il le rejette
Chaque fois que son filet sort;
Quand à le vider il s'apprête
Je remplis le mien sans effort.
Voilà pourquoi bis
Il ne peut pas ... pêcher sans moi.
Deuxième couplet.
Zéphoris, malgré son visage,
A grand besoin de mon appui;
Sans moi, les filles du village
A sa barbe riraient de lui.
Que de belles, complaisamment,
Lui tendent un minois charmant!
Mais Zéphoris est sans malice,
Les amours lui sont inconnus;
Et sans moi, qui fais son office,
Tous ces baisers seraient perdus!
Voilà pourquoi bis
Il ne peut pas ... aimer sans moi.
LE CHOEUR.
Gais pêcheurs, etc., etc.
Tous remontent, Zizel paraît au fond.
Scène II.
Les mêmes, Zizel.
PIFÉAR.
Quel contre-temps! voilà Zizel,
Le surveillant de cette côte;
Il est dur, injuste et cruel,
Et de nous rançonner il ne se fait pas faute.
LE CHOEUR.
Partons sans bruit, partons, partons.
ZIZEL.
Halte-là! mes petits moutons!
Avant d'aller pêcher, il vous faut me répondre,
Et chacun à son tour ... Piféar, mon ami!
PIFÉAR, voulant s'esquiver.
Le mouton voudrait bien ne pas se laisser tondre.
ZIZEL, le ramenant.
Piféar, viens ici;
D'un délit condamnable
Tu dois être coupable.
PIFÉAR.
Moi! je jure qu'il n'en est rien!
ZIZEL.
Tu ne l'as pas commis encor, peut-être bien;
Mais tu le commettras bientôt, donc, à l'amende.
PIFÉAR.
Mais, quel délit? je le demande.
ZIZEL.
A l'amende! à l'amende!
Ou sinon,
En prison.
PIFÉAR, payant.
J'aime encor mieux l'amende,
Mais pourtant
Je suis bien innocent.
ZIZEL, à une femme.
D'un délit condamnable
Tu dois être coupable.
Ne me réplique rien,
Ce que je dis, je le sais bien.
A l'amende! à l'amende!
LA FEMME.
Ah! votre erreur est grande.
ZIZEL.
A l'amende! à l'amende!
Elle lui donne de l'argent.
Scène III.
Les mêmes, Zélide, puis Zéphoris.
ZIZEL, à Zélide, qui cause avec Piféar, son futur.
A votre tour, petite; approchez.
ZÉLIDE.
J'ai bien peur!
ZIZEL, l'amenant de force sur le devant de la scène.
D'un délit condamnable. ...
ZÉPHORIS, entrant avec précipitation.
Arrêtez
TOUS.
Zéphoris!
ZÉPHORIS, se plaçant entre sa sœur et Zizel, et repoussant celui-si.
Vieillard, sur mon honneur!
S'il est une chose coupable,
C'est le trafic honteux auquel vous vous livrez.
ZIZEL.
Jeune imprudent, vous ignorez
Ce que pourrait contre vous ma colère.
ZÉLIDE.
Ah! pitié pour mon frère!
Ne soyez pas sourd à mes cris.
Pitié pour Zéphoris.
Quatuor et Choeur.
ZÉPHORIS.
N'implore pas, cesse de craindre,
Son courroux ne saurait m'atteindre:
Peut-on traiter avec rigueur
Le frère qui défend sa sœur?
ZIZEL.
Quand tout doit trembler et me craindre,
Un téméraire ose se plaindre.
La loi me donne par bonheur
De quoi seconder ma fureur!
PIFÉAR ET LES PÊCHEURS.
Pour Zéphoris que faut-il craindre?
La loi va-t-elle donc l'atteindre?
Peut-on traiter avec rigueur
Le frère qui défend sa sœur?
ZÉLIDE.
Ah! mon trouble ne peut se peindre.
La loi, mon frère, va t'atteindre!
Tu vas essuyer sa rigueur
Pour avoir protégé ta sœur.
ZIZEL, à Zéphoris.
Tu vas à la prison me suivre de ce pas.
TOUS.
Quoi! la prison! ... Ah! ne l'y menez pas!
ZÉLIDE, à Zizel.
Mon doux seigneur, je vous le jure,
Si contre vous mon frère s'emporta,
Ce n'était pas pour...